Si Roubaix m’était contée….l’histoire de la ville aux mille cheminées

Roubaix et son passé ; Roubaix et ses contrastes : quelle est la vraie âme de cette ville des Hauts de France, si riche d’histoire industrielle?

Comment la ville de Roubaix est-elle perçue par les français ? Pour moi, italienne, arrivée à Paris au milieu des années 90′ pour mes études, Roubaix a toujours été une ville comme une autre, sans aucune préjugée. Et puis, grâce à mon travail dans la mode et après plus de vingt ans de vie dans la métropole lilloise, j’ai commencé à en savoir un peu plus….

Toutefois c’est seulement après avoir vu la belle exposition « Roubaix, Métamorphoses d’une ville textile », organisée par la musée La Manufacture, que j’ai eu envie de découvrir d’avantage cette ville et d’écrire cet article.

Encore aujourd’hui, le nom de Roubaix évoque souvent l’image d’une ville du nord de la France en détresse; mais il ne faut pas oublier que Roubaix est une ville qui a vécu dans le passé une croissance et richesse industrielle fulgurante….

Roubaix : La Capitale du Textile

En effet la première moitié du 19e siècle a vu Roubaix, située au cœur du nord de la France, passer d’un petit village rural à une métropole de textile en plein essor, en la propulsant ainsi sur la carte de l’industrie textile mondiale. D’ailleurs on l’appelait  « La Manchester française » en référence à la grande ville industrielle britannique.

Elle a joué un rôle central dans la révolution industrielle qui a transformé la région lilloise. L’histoire de cette ville est donc inextricablement liée à l’industrie de textile florissante de l’époque.

Le boom du textile à Roubaix était le résultat d’une combinaison de facteurs : l’abondance de laine et de coton dans la région, la proximité des voies navigables pour le transport des matières premières et des produits finis. Mais aussi la proximité avec les mines de charbon pour alimenter les usines ainsi que l’ingéniosité des entrepreneurs locaux. De plus: la proximité avec la Belgique, riche en matières premières et en compétences textiles, a également contribué à la croissance rapide.

Les usines de filature et de tissage ont proliféré, attirant une main-d’œuvre qualifiée de toute la région.

Elles se sont multipliées à un rythme effréné, et la population de Roubaix a rapidement augmenté pour répondre à la demande croissante de main-d’œuvre. Les cheminées des usines crachaient de la fumée jour et nuit.

Le paysage industriel à Roubaix

D’ailleurs ce qu’il m’a le plus marqué de cette belle exposition c’était, entre autre, ce plan, qui montre la densité urbaine d’usines et cheminées. Roubaix était aussi appelée la « ville aux mille cheminées ».

Effectivement je me suis rendu compte comment le paysage industriel pouvait façonner une ville!!!  Il faut savoir, qu’à son plus haut apogée, Roubaix comptait jusqu’à 267 usines.

Une histoire de famille

Etroitement liée à cet essor c’est l’histoire de la famille Motte qui, originaire de Tourcoing, s’installe à Roubaix en 1817 et fonde une filature de coton. L’entreprise connaît un succès rapide et d’autres familles d’industrielles de textile suivront.

On passe alors progressivement de la manufacture à l’industrie: en 1834 on compte 29 usines, 113 en 1857, 250 en 1872 et donc 267 en 1910.

L’une de l’usines le plus majestueux, la filature Motte-Bossut voit le jour en 1862.

La filature Motte-Bossut

Cette usine était tellement imposant, six étages, qui était devenue le symbole architectural du capitalisme textile roubaisien.

Evidemment à autant d’usines correspondaient autant de propriétaires et de familles, dont les plus connues, entre autres, sont: les Prouvost, les Masurel, les Lepoutres, les Tiberghies, les Thiriez, les Pollet, les Mulliez, etc.

Apogée et Exposition International

L’importance de Roubaix est marquée en 1911 par l’Exposition Internationale du Nord de la France et abritait même la bourse mondiale de laine (aujourd’hui en Australie). A cette exposition, six pays y sont représentés officiellement: la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie pour l’Europe ainsi que l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Argentine.

C’est l’apogée d’une époque d’or pour la ville. Toutefois, les nombreuses crises successives : de la première guerre mondiale à la crise économique de 1929 et les grandes grèves de 1931-31 signent le début du déclin. A partir des années ’60, la production de fils sera délocalisée à l’étranger et la ville perdra à toujours une expertise qui s’est développée pendant plus d’un siècle.

Cependant l’histoire liée à son passé de ville du textile se poursuivra avec le développement de la vente par correspondance (La Redoute, les 3 Suisses, Phildar, etc) et de la grande distribution (Camaïeu, PImkie, Promod, la Halle, etc)

Et c’est comme ça que mon histoire croise celle de Roubaix, de façon indirecte: car dans ma carrière, j’ai côtoyé les descendants de la famille Pollet. Une famille qui, le long des générations, est passée de la filature à la vente par correspondance (après avoir fondé La Redoute) et à la grande distribution (avec la naissance de Promod). Société pour laquelle j’ai travaillé pendant dix-huit ans.

Prato en Italie

Etant italienne, je pense instinctivement à Prato, une ville toscane proche de Florence, très réputée aussi pour être « la » ville du textile. D’ailleurs les deux villes sont même jumelées.

Comme Roubaix, Prato a aussi une histoire liée au textile qui remonte au Moyen Age. En effet au XIIIe siècle, la ville était déjà un important centre de production de textiles de laine, en particulier de draps. La qualité de ses produits textiles était très appréciée et avait une renommée internationale.

Pendant la Renaissance, Prato a continué à prospérer dans le secteur textile en se diversifiant pour inclure la production de tissus de soie, de velours et d’autres matériaux.

Au XIXe siècle, l’industrialisation a transformé l’industrie textile de Prato. Les machines à vapeur permettent d’augmenter la production: c’est la naissance des usines modernes.

 

Tout comme à Roubaix, des nouveaux complexes industriels de filature donnent naissance à des nouveaux quartiers industriels de la ville.

La filature Calamai, Prato 1920

Toutefois, à différence de Roubaix, qui a dû fermer toute son activité productive, Prato reste encore aujourd’hui un important centre de production textile en Italie.

Roubaix vs Prato

Tout comme Roubaix, Prato connaît une urbanisation rapide grâce à l’industrie textile. Les ateliers de Prato produisaient une grande variété de textiles, notamment de la laine, de la soie et du coton, exportés dans le monde entier. Cette prospérité a également attiré des travailleurs de toute l’Italie, créant une mosaïque culturelle riche dans la ville.

Les similitudes entre les deux villes ne s’arrêtent pas là. Les défis sociaux et économiques liés à l’industrie textile étaient également présents à Prato, avec des conditions de travail difficiles et des mouvements d’ouvriers pour de meilleures conditions de vie.

Aujourd’hui, les anciennes usines revivent une deuxième vie et se transforment en espaces culturels et musées pour préserver l’histoire riche de ces villes. La Manufacture à Roubaix et Il museo del tessuto à Prato témoignent de cette belle histoire commune.

Museo del tessuto, Prato. Foto di Marco Mattei

Prato reste encore aujourd’hui un important centre de production textile en Italie. La ville continue à se distinguer pour sa créativité et son innovation dans le secteur textile, tout en continuant à jouer un rôle majeur dans le recyclage de la laine et d’autres matériaux textiles.

En revanche Roubaix, comme on a vu précédemment, au fil des ans, a vu décliner l’industrie du textile en raison de la mondialisation et de la concurrence étrangère. Ce qui a entraîné la fermeture de nombreuses usines de textile. La ville a donc cherché à diversifier son économie en se tournant vers d’autres secteurs, tels que le commerce de détail, les services, la culture et le tourisme industriel.

Histoire de la mode

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Pour aller plus loin:

  • https://www.ville-roubaix.fr/services-infos-pratiques/culture-et-patrimoine/patrimoine-et-histoire/histoire-de-roubaix/
  • https://lamanufacture-roubaix.com/programmation/roubaix-metamorphose-dune-ville-textile/
  • https://gallica.bnf.fr/blog/03022022/lindustrie-textile-dans-la-metropole-lilloise-aux-19e-et-20e-siecles-mecanisation-et-essor?mode=desktop
  • https://rifo-lab.com/blogs/blog-di-rifo/archeologia-industriale-prato-dove-e-nata-la-rigenerazione-tessile
  • https://monumentum.fr/monument-historique/pa00107791/roubaix-usine-motte-bossut-actuellement-centre-des-archives-du-monde-du-travail

 

Carolina Covarelli: Italienne, en France depuis 26 ans, je suis passionnée de mode, art, communication et voyage. Depuis plus de vingt cinq ans dans le monde du prêt-à-porter, j'ai une expertise dans la direction artistique et la gestion de projet.